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Comprendre le creusement des inégalités sociales et la crise de l’abordabilité.

En exergue

Selon la Banque Mondiale, près d’un milliard de personnes ont pu s’extraire de l’extrême pauvreté entre 1990 et 2015 (Banque Mondiale, 2018). Mais selon le rapport sur la pauvreté et la prospérité partagée, «  la pandémie a fait basculer près de 70 millions de personnes dans l'extrême pauvreté en 2020, soit la plus forte augmentation en un an depuis 1990 et le début du suivi des chiffres de la pauvreté dans le monde. Cela signifie que 719 millions de personnes vivaient avec moins de 2,15 dollars par jour à la fin de 2020 » (Banque Mondiale, 2022).

Et la part du revenu mondial perçue par la moitié la plus pauvre de l’humanité stagne, voire baisse depuis la crise sanitaire. Ainsi, selon l’ONG Oxfam dans son rapport de 2023 sur les inégalités mondiales, entre décembre 2019 et décembre 2021, sur 100 dollars de nouvelles richesses créés dans le monde, 63 dollars ont été captés par les 1% les plus riches, tandis que les 90% les plus pauvres n’en ont capté que 10 dollars. Et « au cours des dix dernières années, les 1 % les plus riches ont capté 74 fois plus de richesses que les 50 % les plus pauvres » (Oxfam, La Loi du Plus Riche, 2023).

De plus, notent les économistes du « World Inequality Lab », la moitié la plus pauvre de la population mondiale ne possède que 2% du patrimoine total quand les 10% les plus riches en détiennent 76%. « Le patrimoine moyen de la moitié la plus pauvre se monte à 2 900 euros par adulte (soit 4 100 dollars), celui des 10 % les plus riches à 550 900 euros par adulte (771 300 dollars) » (World Inequality Lab, Rapport sur les inégalités mondiales, 2022) .

Ces inégalités économiques tendent à nuire au progrès économique, ce qui contribue à grever l’égalité sociale. Dès lors, une constellation d'inégalités — liées à la situation géographique, au handicap, à l’orientation sexuelle, au genre, à la classe sociale, à l’origine ethnique, au revenu — s'agrègent et déterminent souvent les avantages, les perspectives et la vie d’une personne.

Définitions et mesures

Les inégalités sociales sont des différences d’accès aux ressources (sociales, économiques, culturelles, politiques, etc.) généralement corrélées à un statut social particulier comme le niveau de revenu, l’ethnicité ou la géographie de résidence.

Le principal outil de mesure des inégalités est le coefficient de Gini. Cet indicateur statistique permet de mesurer la répartition des salaires, des revenus et du patrimoine à l’échelle d’un pays. Les résultats sont présentés sous la forme d’un nombre qui varie entre 0 et 1, où 0 signifie l’égalité parfaite et 1, qui ne peut être atteint, une inégalité parfaite. Par exemple, l’indice était de 0,29 en France en 2015 et de 0,47 en Chine pour l’année 2010.

Les inégalités de revenu sont parmi les plus étudiées. Et pour cause, puisqu’elles sont souvent considérées comme responsables d’autres inégalités sociales. A ce titre, les enseignements du World Inequality Report nous éclairent sur la répartition mondiale des revenus de la croissance depuis 1980. Ces quarante dernières années, les 1% d’individus les plus riches dans le monde ont capté deux fois plus de croissance que les 50% les plus pauvres. Entre ces deux groupes se situent les classes moyennes et populaires nord-américaines et européennes, pour qui la croissance du revenu a été faible.

Les causes de cette répartition inégalitaire sont multiples, mais la littérature scientifique (Olivier Godechot, 2011) en décrit quelques-unes comme prépondérantes. Parmi elles, le transfert de la propriété du capital du secteur public au secteur privé de ces 50 dernières années a permis au secteur privé d'accroître ses profits de manière significative. Aussi, certains corps de métier captent la majeure partie des revenus de la croissance et participent ainsi à la montée des inégalités. C’est un reproche souvent fait au secteur de la finance où la suraccumulation de crédits et l’expansion des marchés boursiers ont permis à certains dirigeants et employés de bénéficier de primes de salaire conséquentes.

C'est un phénomène important car... l’environnement bâti joue un rôle prépondérant dans la formation des inégalités.

Parce que les inégalités sociales ont un impact négatif sur la croissance économique

Au-delà des considérations éthiques qu’elles soulèvent, ces inégalités ont un impact négatif sur la croissance économique, documenté de longue date par l’OCDE. Le secteur financier se rend progressivement compte qu’il est donc dans son intérêt premier de lutter contre le creusement des inégalités.

En s’appuyant sur les données des pays de l’OCDE au cours des 30 dernières années, l’étude montre que les inégalités de revenus ont un impact négatif et significatif sur la croissance ultérieure (OCDE, 2014). Les économistes de l’OCDE estiment que le creusement des inégalités a coûté plus de 4 points de croissance dans la moitié des pays sur plus de deux décennies. À l’inverse, une situation plus égalitaire avant la crise a contribué à faire progresser le PIB par habitant dans quelques pays, notamment en Espagne.

Cette étude permet également de mettre en évidence l’importance que jouent les revenus de la classe moyenne inférieure dans la santé économique d’un pays. Le principal facteur qui détermine l’incidence des inégalités sur la croissance est le fossé qui sépare les ménages les plus modestes du reste de la population. L’effet négatif à cet égard ne se vérifie pas seulement pour le premier décile, au bas de l’échelle de distribution du revenu, mais pour les quatre premiers déciles. La conclusion qui s’impose est que le tout n’est pas de lutter contre la pauvreté, il faut encore prendre des mesures visant les revenus modestes dans leur ensemble.